. L’histoire de Made 4 A Woman?
J’ai (Eileen Akbaraly) lancé ce projet (Made For A Woman) en 2018, car je me suis toujours intéressée au monde de la mode, mais aussi au monde social. J’ai rarement vu une population aussi agile et créative. Quand je vivais encore à Madagascar, j’avais lancé un projet au lycée en 2012, dans lequel je travaillais avec six femmes qui avaient perdu leur emploi lors du coup d’État. En dehors d’Antananarivo, nous avons fabriqué des vêtements, des uniformes et des vêtements typiques malgaches pour les enfants et les anciens du village. C’était devenu une sorte de fête. Je suis tombée amoureuse du projet et je n’ai jamais plus arrêter de travailler avec la population à partir de là.
. Votre concept et objectifs?
J’ai un objectif très particulier pour cette marque. La raison pour laquelle je l’ai nommée Made For A Woman est parce que je veux qu’elle soit dédiée aux femmes fortes de Madagascar. Malheureusement, nous vivons dans un pays extrêmement pauvre où les femmes ont très peu de droits. Selon l’Unicef, les femmes réinvestissent 80% de leurs revenus dans leur famille, tandis que les hommes n’investissent que 30 à 40%. Et l’industrie de la mode est la troisième industrie importante qui emploie plus de soixante millions de personnes, dont plus de 75% de femmes. Par conséquent, le rôle des femmes est extrêmement important. Je n’ai pas créé une autre marque uniquement pour produire et pour en tirer un profit. J’ai créé une marque consciente qui se concentre sur les “behind the scene” du monde de la mode. Le monde de la mode est devenu très superficiel, basé sur le consumérisme. Cependant, les gens ne se posent pas la question de savoir comment sont traités les gens qui produisent leurs “trucs”. Je veux que la mode devienne aussi transparente que possible, et rendre hommage aux femmes ou aux hommes qui fabriquent ce que nous portons. Nous essayons d’être aussi authentiques que possible. Par exemple, nos femmes sont notre inspiration et nos modèles. Pourquoi? Parce que je pense que “les vraies femmes” qui travaillent pour assurer un meilleur avenir pour leurs enfants, devraient être des modèles dans le monde entier. Pour toutes les petites filles … sans se concentrer sur les régimes, ni une peau parfaite, ni de longues jambes… Je crois que nous sommes arrivés à un point où il est nécessaire de changer tout de suite parce que les gens ne sont pas heureux. Et cela commence par s’accepter et s’aimer soi-même sans se comparer à quelqu’un d’autre. “Be the best version of yourself for a better world”.
. Qui sont ces femmes derrière la marque M4W?
Les femmes qui viennent travailler à l’ atelier ont entre 20 et 70 ans. Nous donnons des cours de formation aux prisonnières de la région de Fianarantsoa. Au total, nous sommes une équipe de cinquante femmes.
. Les conditions dans lesquelles elles se trouvent?
Nous avons embauché des femmes handicapées, nous investissons également dans un espace pour enfants afin que les jeunes mères puissent venir travailler et amener leurs enfants… Cependant, la plupart de nos femmes vivent dans les banlieues de la capitale… C’est pourquoi nous avons également décidé de créer des comptes d’épargne pour les femmes et de les aider à trouver des appartements à proximité de la ville afin qu’elles puissent être plus proches du travail. Quelques-unes de nos filles quittent leur maison à 4 heures du matin pour se rendre au travail à 8 heures du matin… Ce qui me rend extrêmement humble de ce qu’elles font tous les jours, mais je ne veux pas que le travail soit une partie lourde de leur vie. Nous avons créé une atmosphère incroyable au travail! Je veux qu’elles se sentent stimulées au travail et heureuses.
. L’ADN de votre marque?
Le tag est un aspect unique de notre marque. Chaque étiquette est faite de papier antemoro et a une caricature de femme avec son nom signé et un code QR. Une fois que le code QR est scanné, il vous amène directement à sa page sur notre site Web en ligne où vous pourrez faire connaissance avec les femmes qui ont créé votre sac. Vous pouvez lui poser des questions et elle peut aussi apprendre à mieux connaître la cliente. Je travaille sur des courts-métrages de leurs vies car je pense qu’il est important que le monde connaisse les difficultés, les joies et la belle culture malgache à travers le yeux de nos femmes.
. Vos cibles?
Je voulais cibler le marché du luxe car nos produits sont fabriqués à la main, de l’étiquette (avec le papier antemoro) à la dernière touche du sac. Le luxe nous permet également de ne pas surproduire et de nous concentrer sur différents aspects pour le bien-être de nos filles.
. L’endroit où M4W est basé et les lieux dans lesquels vous opérez?
M4W est basée a Antananarivo. Cependant, nous avons un bureau en Italie et, espérons-le, en France très bientôt.
. Quels sont les impacts socioéconomiques et environnementaux de votre initiative?
Dans notre atelier, nous donnons des cours de français à nos filles, des cours gratuits sur les soins de santé, nous payons nos filles 75% de plus que le salaire minimum du pays et 45% de plus que nos concurrents. Nous avons créé des comptes d’épargne, nous donnons des cours de planification familiale et bientôt suffisamment de cours de nutrition et d’hygiène pour améliorer leur vie. J’ai vu tant de filles gagner en confiance grâce à nos cours de français! Et beaucoup de nos jeunes filles ont admis que même si elles vivaient si loin, elles avaient hâte de venir travailler uniquement pour nos cours de français. Je pense qu’au début, beaucoup de filles n’étaient pas très ouvertes parce qu’elles pensaient que l’atelier serait comme n’importe quel autre atelier d’artisan. Cependant, elles ont compris que notre objectif principal est vraiment d’améliorer leur vie. Grâce à cela, l’atmosphère au travail est devenue absolument incroyable. Nous avons gagné leur confiance et maintenant elles partagent leurs histoires de vie avec nous et croient complètement en la marque. Nous travaillons avec une société à Mahajanga, qui a été accréditée avec la forme de transparence la plus élevée tout au long de sa chaîne d’approvisionnement en raphia. Ils teignent également leur raphia avec des pigments sans bois, qui ne nuisent ni à l’environnement ni à notre santé. Ils replantent également plus de dix mille arbres de raphia chaque année.
. Quel genre d’articles produisez-vous?
Nous fabriquons des produits de raphia faits à la main avec une recherche attentive, selon des techniques uniques et différentes. En ce moment, nous produisons des chapeaux, des sacs et des pochettes. Nous n’utilisons plus de cuir sur nos produits et nos doublures proviennent du marché local (2nd hand market/friperie). Cela rend chaque sac unique et différent les uns des autres. Nous nous concentrons aussi principalement sur des couleurs très vives parce que nous voulons qu’elles représentent notre beau pays!
. Votre marché est-il axé sur Mada et/ou à l’international?
Nous visons actuellement le marché international. Cependant, mon objectif pour le marché malgache serait les hôtels.
. Qu’est-ce qui vous démarque des autres initiatives/marques qui évoluent dans le même domaine que vous ?
Je pense que beaucoup de startups se concentrent sur l’entrepreneuriat social, car 90% des millénaires n’achèteront que des produits qui ont une cause derrière. Le monde du consumérisme est terminé pour le bien!
. Sur quel projet travaillez-vous en ce moment ?
Je viens de commencer à travailler avec un showroom de luxe à Milan et j’ai terminé un important salon où j’ai eu un retour très positif. Je travaille maintenant sur les aspects de communication et de distribution de toute la marque.
. Un message pour nos lecteurs?
J’espère qu’avec plus d’esprits comme les nôtres (les millénaires) qui se concentrent sur l’environnement, les gens et notre avenir, l’avenir de Madagascar et de sa population, s’améliorera pour le mieux ! C’est mon plus grand souhait!